mardi 25 novembre 2014

Les Liaisons, lettre 141


Lettre 141, Les Liaisons dangereuses


Intro / situation de la lettre

Quatrième partie du recueil, mise en place de l’engrenage tragique final. Lettre adressée par la Marquise, piquée dans sa jalousie, au Vicomte de Valmont, qu’elle sait être tombé amoureux de la présidente de Tourvel.
Lettre 139 : la Présidente de Tourvel fait part à Mme Rosemonde (tante de VV) de sa joie, de son bonheur d’être aimée et d’aimer VV.
La lettre précédente (140), écrite par le vicomte à la marquise, revient sur la fausse couche de Cécile, et annonce une possible réconciliation entre les deux libertins il aura les preuves d’avoir fait céder la Présidente ; la MM devrait donc lui accorder une nuit d’amour). Lettre qui fait par ailleurs état d’une tension grandissante entre les deux libertins. Elle se termine sur le reproche de silence de la marquise, et sur cette expression « rancune tenante » (à mettre en lien avec le « sans rancune » de la lettre 4).

La lettre 141, objet de notre analyse, est une lettre à l’énonciation complexe, qui peut être divisé en plusieurs parties :
1)     Les reproches de la marquise au vicomte
2)     La petite histoire (l’apologue libertin)
3)     La lettre dans la lettre
4)     Les formules de clôture


Problématiques possibles :

·       En quoi cette lettre annonce-t-elle le dénouement funeste ?
·       Etudier la lettre dans la lettre
·       Quelle vision des libertins cette lettre propose-t-elle ?


Plan détaillé


I.               Les rapports entre les deux libertins / La guerre des libertins

1)     Une marquise agacée

·       Enonciation : nombreux « je » vs. « vous » qui oppose la MM au VV
·       Agacement et exaspération de la MM marqués par les exclamatives et les interrogations rhétoriques
·       Des menaces (« Prenez –y garde, Vicomte ! » / « Vous y trouverez aussi mon ultimatum »), qui trouvent leur mise à exécution dans la 153 (« La guerre ! », écrit par la MM, comme simple réponse en bas d’une lettre de VV)

2)     La dépréciation du vicomte de Valmont

·       Un homme ayant des conquêtes faciles : cf. champ lexical « saisir toutes les occasions qui vous paraîtraient agréables ou faciles » / « avec la première venue » / « ce que vous aviez fait mille autre [fois] par occasion »…)
·       Un homme qui ne sait pas aimer : « tyran » ou « esclave », homme qui ne maîtrise pas ses sentiments et ne sait honorer les femmes. Cf. parallélisme de construction qui permet ‘insister sur cette antithèse : « jamais vous n’êtes ni l’Amant ni l’ami d’une femme ; mais toujours son tyran ou son esclave ».
·       Un homme ridiculisé : la MM se moque de VV en reprenant dans sa lettre des passages de la lettre précédente qu’il lui a adressée (les citations en italique dans la lettre), en ridiculisant ses expressions (elle utilise l’ironie, qui se perçoit grâce aux italiques)

3)     L’affirmation de la marquise

·       Une marquise sûre d’elle : nombreux adverbes « bien » qui viennent appuyer un discours fait d’affirmations péremptoires : « Assurément / je ne doutais même pas / je ne suis pas surprise / je crois / à la vérité / Ma comparaison me paraît d’autant plus juste que… / Aussi suis-je bien sûre… »)
·       Le refus d’en dire plus : dans sa lettre précédente, VV reproche à MM son silence, et en effet, toute la lettre 141 consiste à la marquise à dire sans dire ! Cf. les occurrences des termes silence » et des verbes « dire » (« Que vous importe mon silence ? /il m’en coûte de vous les dire. / Que voulez-vous donc que je vous dise… / Je ne vous ai jamais dit… / etc. »)
Finalement, c’est par le subterfuge des paroles d’une autre (voir l’apologue, la petite histoire), qu’elle va malgré tout dire à VV ce qu’elle pense de la situation
·       Le récit enchâssé (la lettre dans la lettre) : une comparaison trop évidente pour que VV, et le lecteur, soient dupe : il s’agit bien d’un récit concernant directement les deux libertins en présence. Rendu plus perceptible par les formules de généralité employées par la MM : « Un homme de ma connaissance… / une femme qui lui faisait peu d’honneur… / Cet homme avait une amie… »


II.              La lettre dans la lettre, ou le libertinage tragique

1)     Un ton désinvolte en apparence

·       La mise en place de l’apologue : un récit à valeur d’exemple
·       Le refrain lancinant (« Ce n’est pas ma faute »), qui transforme cette lettre d’une grande cruauté en petite chanson
·       Le vocabulaire amoureux (« Mon Ange (x2) / aventure / une femme que j’aime éperdument ») et l’injonction légère à prendre un autre amant, qui dévalorise l’histoire d’amour (impératifs, majuscules aux termes Amant et Maîtresse, style plat, presque ridicule : « Crois-moi, choisis un autre Amant, comme j’ai fait une autre Maîtresse. Ce conseil est bon, très bon ; si tu le trouves mauvais, ce n’est pas ma faute. »)

2)     Mais une grande cruauté dans le fond

·       La présidente présentée comme femme facile : « j’ai eu juste autant d’amour que toi de vertu, et c’est sûrement beaucoup dire » : comparaison dépréciative entre amour de VV et vertu de Présidente de Tourvel
·       La présidente comme principale fautive du désintérêt de VV : « quatre mortels mois » (hyperbole), « ton impitoyable tendresse » (oxymore), « la Nature (…) donnait aux femmes l’obstination »
·       Le sacrifice d’une femme : Quand on connaît la vertu et le caractère pieux de la présidente, on peut bien sûr comprendre quelle réaction ce courrier pourra susciter chez elle, et elle apparaît alors comme une femme sacrifiée pour l’orgueil des libertins. Il s’agit d’une véritable mise à mort de la présidente (« Je n’ai pas perdu un moment, car la tendre missive a été expédiée hier au soir », précise VV dans la lettre suivante)

3)     Le discours libertin

·       L’inconstance comme loi de la Nature : références constantes aux lois du monde et de la Nature, comme responsables des actions libertines (« c’est une Loi de la Nature (noter les majuscules ironiques) / si la Nature n’a accordé aux hommes… / Ainsi va le monde. »)
·       Une lettre de domination : Double jeu de domination dans ce courrier : de la MM sur VV (elle le pousse à agir contre sa volonté), et de VV sur la Présidente
·       Le début de la tragédie : Les morts sont annoncées. La présidente ne survivra pas au chagrin d’amour. La MM envoie ses condoléances pour la perte de l’enfant qu’attendait Cécile : la mort est présente, les destins sont tracés. Le VV lui-même ne survivra pas à cette histoire, et se laissera tuer dans le duel qui l’oppose Danceny au sujet de Cécile.


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