vendredi 1 mai 2015

Corrigé de la dissertation

(Jack Kerouac écrivant Sur la route)

Voici la copie de Martin L. (1e S1) ; la plan est l'un des plans possibles, vous pouviez choisir de traiter en deuxième partie uniquement de l'efficacité des genres fictionnels.
Le devoir n'est pas parfait, mais il est bien construit, la méthode (encore elle !) est rigoureuse, le plan et la réflexion sont clairs. J'ai revu un peu l'introduction...




            [accroche] De grandes réflexions humaines sont souvent au cœur des œuvres littéraires. Ces œuvres peuvent être basées sur la vie de l’auteur, ou apparaître comme purement fictionnelles. [réécriture du sujet dans son intégralité] Une réflexion fondée sur l’expérience personnelle de l’auteur semble-t-elle efficace pour traiter des grandes questions humaines, telles que l’amour, le bonheur, ou encore la mort ? [reformulation du sujet] Cette question nous amène à nous interroger sur le rapport que l’auteur entretient à sa propre vie, ses propres expériences, dans la création littéraire, lorsque celle-ci s’engage dans les grands domaines de réflexion. Un lecteur sera-t-il davantage touché par une histoire d’amour vécue réellement, ou par une construction fictionnelle peut-être plus « parfaite » ? [problématique] Ainsi, nous pouvons nous demander si les réflexions littéraires portées par les genres de l’argumentation directe se révèlent plus efficaces que celles engagées par les genres fictionnels. [annonce du plan] En premier lieu, nous verrons les éléments qui font de l’argumentation directe un genre efficace, avant d’en étudier les limites.



            [Annonce de l’axe et des sous-parties] Nous verrons dans ce premier mouvement qu’une œuvre fondée sur l’expérience de l’auteur peut se révéler efficace dans sa réflexion. En effet, (1) l’œuvre bénéficie tout d’abord d’une certaine légitimité ; (2) par ailleurs, la réflexion menée peut être plus convaincante en raison de son aspect réel. (3) Enfin, le genre non-fictionnel est efficace grâce à la vérité indiscutable dont il est composé.
            [1er argument] Les genres « réels » possèdent une légitimité qui les rende efficace. Le besoin que ressent l’auteur de partager son expérience à travers son œuvre est justifiable et cela renforce l’impact sur le lecteur. Par exemple, dans La Promesse de l’aube, Romain Gary mène des réflexions sur la vie et la mort, qui sont légitimes en regard de sa vie passée. Il en est de même pour Henri Barbusse dans Le Feu, où la guerre et, à travers elle, la mort, sont abordées par un auteur ayant réellement vécu dans les tranchées de 14-18. Ainsi, le vécu de l’auteur justifie sa réflexion et la rend alors plus efficace.
            [2e argument] L’efficacité des œuvres inspirées du réel se traduit également par la force tirée de la réalité. Le poème de Pierre de Ronsard, « Je n’ai plus que les os… », aborde le sujet de la mort en parlant de sa propre agonie, ce qui rend le sonnet touchant et puissant, et alors plus efficace. De la même manière, Franz-Olivier Giesbert, dans L’Américain, se base sur son expérience personnelle pour évoquer la question de la famille, et la vie en général. Diderot aborde également la notion de bonheur dans son essai Regrets sur ma vieille robe de chambre, en fondant son récit sur sa propre vie. Ainsi, l’expérience des auteurs apporte à leur réflexion une puissance, voire une émotion qui la rendent plus efficace.
            [3e argument] Enfin, la véracité d’une œuvre renforce l’impact du questionnement qu’elle contient. Cela se traduit dans l’exemple du combat féministe : Annie Ernaux, dans La Femme gelée, et Louise Weiss dans La Femme nouvelle sont deux auteurs ayant mené des réflexions sur la femme et sa place dans la société ; réflexions d’autant plus efficace qu’elles s’appuyaient sur des événements appartenant à leur propre vie.
[bilan partie / transition] Ainsi, le caractère véridique des œuvres se basant sur la vie de leurs auteurs peut les rendre plus efficaces dans le cadre d’une réflexion sur les grandes questions humaines. Cependant, les œuvres fondées sur l’expérience de l’auteur peuvent voir leur efficacité limitée, au profit de genres appartenant à la fiction.


Nous allons à présent nous pencher sur les limites des genres de l’argumentation directe, en étudiant tout d’abord (1) le fait que le genre « réel » peut être partial dans sa réflexion, ce qui peut nuire à son impact. (2) De plus, la dénonciation possible contenue dans une œuvre peut conduire à la censure ; (3) enfin, il manque parfois au genre plus direct un aspect plaisant et implicite, qui peut limiter son efficacité.
Nous verrons en premier lieu que la prise de parti de l’auteur peut nuire à l’impact de sa réflexion. Ainsi, Indignez-vous de Stéphane Hessel exprime son opinion sur l’engagement et les valeurs du combat, tout comme Les Justes d’Albert Camus. Mais l’œuvre de Camus peut paraître plus efficace et influencer un plus large public, en raison de son caractère fictionnel et plaisant. Le fait qu’un auteur prenne parti en son nom au sein d’une réflexion peut donc réduire son efficacité, si son œuvre se base trop sur son expérience personnelle, excluant de fait de nombreux lecteurs de sa réflexion.
L’impact d’une œuvre que l’on qualifierait de « réelle » est également diminué lors de dénonciations. Ainsi, le « J’accuse » de Zola fut très critiqué par une partie de la population française, et des auteurs comme Voltaire durent même fuir la France la France à cause de pamphlets trop violents, par exemple contre la monarchie. Au contraire, Les Lettres persanes de Montesquieu ne subirent pas la censure, alors qu’elles contenaient elles aussi une forte dénonciation du système monarchique en place, et des réflexions assez révolutionnaires sur la société et sur l’homme. L’efficacité du questionnement mené par l’auteur à partir de sa propre vie et en sa personne se trouve donc considérablement réduite lorsque cette réflexion, condamnée par la censure, ne peut plus toucher aucun lecteur.
Enfin, il peut manquer à l’argumentation basée sur l’expérience personnelle de l’auteur un aspect plaisant qui soutiendrait son impact. Des œuvres comme La Métaphysique des tubes d’Amélie Nothomb ou L’Extase matérielle de Le Clézio traitent de sujets comme le bonheur, la famille, l’amour ou Dieu. Ces réflexions profondes sont néanmoins moins efficaces selon nous que Roméo et Juliette de Shakespeare, ou Le Misanthrope de Molière, qui possèdent un aspect plaisant et dont la poésie touchent la sensibilité du lecteur.
Ainsi, l’impact des réflexions menées par des auteurs se basant sur leur expérience peut se trouver limité, au profit des genres fictionnels qui possèdent une dimension plaisante et poétique plus touchante.



[conclusion] L’auteur peut donc choisir, pour mener sa réflexion au sein de son œuvre, de s’appuyer sur sa propre expérience. En faisant ce choix, l’impact de son questionnement peut se trouver renforcé par le caractère véridique et la légitimité de son œuvre. Cependant, des éléments qui réduisent l’efficacité de se réflexion sont à prendre en compte : la prise de parti ou la dénonciation peuvent ainsi diminuer cet impact, et l’auteur peut alors privilégier les genres fictionnels, qui véhiculent potentiellement plus d’émotions. Ces émotions peuvent être positives, comme le rire chez Molière, ou négatives, comme chez Shakespeare.

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