Lettre 141, Les Liaisons dangereuses
Intro /
situation de la lettre
Quatrième partie du recueil, mise en place de
l’engrenage tragique final. Lettre adressée par la Marquise, piquée dans sa
jalousie, au Vicomte de Valmont, qu’elle sait être tombé amoureux de la
présidente de Tourvel.
Lettre 139 : la Présidente de Tourvel fait
part à Mme Rosemonde (tante de VV) de sa joie, de son bonheur d’être aimée et
d’aimer VV.
La lettre précédente (140), écrite par le vicomte à
la marquise, revient sur la fausse couche de Cécile, et annonce une possible
réconciliation entre les deux libertins il aura les preuves d’avoir fait céder
la Présidente ; la MM devrait donc lui accorder une nuit d’amour). Lettre
qui fait par ailleurs état d’une tension grandissante entre les deux libertins.
Elle se termine sur le reproche de silence de la marquise, et sur cette
expression « rancune tenante » (à mettre en lien avec le « sans
rancune » de la lettre 4).
La lettre 141, objet de notre analyse, est une
lettre à l’énonciation complexe, qui peut être divisé en plusieurs
parties :
1) Les
reproches de la marquise au vicomte
2) La
petite histoire (l’apologue libertin)
3) La
lettre dans la lettre
4) Les
formules de clôture
Problématiques
possibles :
·
En quoi cette lettre annonce-t-elle le dénouement
funeste ?
·
Etudier la lettre dans la lettre
·
Quelle vision des libertins cette lettre
propose-t-elle ?
Plan
détaillé
I.
Les rapports entre les deux libertins / La guerre des
libertins
1) Une
marquise agacée
·
Enonciation : nombreux « je » vs.
« vous » qui oppose la MM au VV
·
Agacement et exaspération de la MM marqués par
les exclamatives et les interrogations rhétoriques
·
Des menaces (« Prenez –y garde,
Vicomte ! » / « Vous y trouverez aussi mon ultimatum »), qui trouvent leur mise à exécution dans la 153
(« La guerre ! », écrit par la MM, comme simple réponse en bas
d’une lettre de VV)
2) La
dépréciation du vicomte de Valmont
·
Un homme
ayant des conquêtes faciles : cf. champ lexical « saisir toutes
les occasions qui vous paraîtraient agréables ou faciles » / « avec
la première venue » / « ce que vous aviez fait mille autre [fois] par
occasion »…)
·
Un homme
qui ne sait pas aimer : « tyran » ou « esclave »,
homme qui ne maîtrise pas ses sentiments et ne sait honorer les femmes. Cf.
parallélisme de construction qui permet ‘insister sur cette antithèse :
« jamais vous n’êtes ni l’Amant ni l’ami d’une femme ; mais toujours
son tyran ou son esclave ».
·
Un homme
ridiculisé : la MM se moque de VV en reprenant dans sa lettre des
passages de la lettre précédente qu’il lui a adressée (les citations en
italique dans la lettre), en ridiculisant ses expressions (elle utilise
l’ironie, qui se perçoit grâce aux italiques)
3) L’affirmation
de la marquise
·
Une
marquise sûre d’elle : nombreux adverbes « bien » qui
viennent appuyer un discours fait d’affirmations péremptoires :
« Assurément / je ne doutais même pas / je ne suis pas surprise / je crois
/ à la vérité / Ma comparaison me paraît d’autant plus juste que… / Aussi
suis-je bien sûre… »)
·
Le refus
d’en dire plus : dans sa
lettre précédente, VV reproche à MM son silence, et en effet, toute la lettre
141 consiste à la marquise à dire sans dire ! Cf. les occurrences des
termes silence » et des verbes « dire » (« Que vous importe
mon silence ? /il m’en coûte de vous les dire. / Que voulez-vous donc que
je vous dise… / Je ne vous ai jamais dit… / etc. »)
Finalement,
c’est par le subterfuge des paroles d’une autre (voir l’apologue, la petite
histoire), qu’elle va malgré tout dire à VV ce qu’elle pense de la situation
·
Le récit
enchâssé (la lettre dans la lettre) : une comparaison trop évidente
pour que VV, et le lecteur, soient dupe : il s’agit bien d’un récit
concernant directement les deux libertins en présence. Rendu plus perceptible
par les formules de généralité employées par la MM : « Un homme de ma
connaissance… / une femme qui lui faisait peu d’honneur… / Cet homme avait une
amie… »
II.
La lettre dans la lettre, ou le libertinage tragique
1) Un
ton désinvolte en apparence
·
La mise en place de l’apologue : un récit à
valeur d’exemple
·
Le refrain lancinant (« Ce n’est pas ma
faute »), qui transforme cette lettre d’une grande cruauté en petite
chanson
·
Le vocabulaire amoureux (« Mon Ange (x2) /
aventure / une femme que j’aime éperdument ») et l’injonction légère à
prendre un autre amant, qui dévalorise l’histoire d’amour (impératifs,
majuscules aux termes Amant et Maîtresse, style plat, presque ridicule :
« Crois-moi, choisis un autre Amant, comme j’ai fait une autre Maîtresse.
Ce conseil est bon, très bon ; si tu le trouves mauvais, ce n’est pas ma
faute. »)
2) Mais
une grande cruauté dans le fond
·
La
présidente présentée comme femme facile : « j’ai eu juste autant
d’amour que toi de vertu, et c’est sûrement beaucoup dire » :
comparaison dépréciative entre amour de VV et vertu de Présidente de Tourvel
·
La
présidente comme principale fautive du désintérêt de VV :
« quatre mortels mois » (hyperbole), « ton impitoyable
tendresse » (oxymore), « la Nature (…) donnait aux femmes
l’obstination »
·
Le
sacrifice d’une femme : Quand on connaît la vertu et le caractère
pieux de la présidente, on peut bien sûr comprendre quelle réaction ce courrier
pourra susciter chez elle, et elle apparaît alors comme une femme sacrifiée
pour l’orgueil des libertins. Il s’agit d’une véritable mise à mort de la
présidente (« Je n’ai pas perdu un moment, car la tendre missive a été
expédiée hier au soir », précise VV dans la lettre suivante)
3) Le
discours libertin
·
L’inconstance
comme loi de la Nature : références constantes aux lois du monde et de
la Nature, comme responsables des actions libertines (« c’est une Loi de
la Nature (noter les majuscules ironiques) / si la Nature n’a accordé aux
hommes… / Ainsi va le monde. »)
·
Une
lettre de domination : Double jeu de domination dans ce
courrier : de la MM sur VV (elle le pousse à agir contre sa volonté), et
de VV sur la Présidente
·
Le début
de la tragédie : Les morts sont annoncées. La présidente ne survivra
pas au chagrin d’amour. La MM envoie ses condoléances pour la perte de l’enfant
qu’attendait Cécile : la mort est présente, les destins sont tracés. Le VV
lui-même ne survivra pas à cette histoire, et se laissera tuer dans le duel qui
l’oppose Danceny au sujet de Cécile.
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