Voici la copie à l'identique de Nicolas R. (1e S1). Je n'ai pas eu le courage de retaper en intégralité celle de Pierre L. (1e ES1), mais elle était aussi bien ! Vous trouverez son intro en fin d'article.
Je vous laisse vous inspirer de la rigueur méthodologique ; à vous de travailler la deuxième partie pour trouver les annonces de parties, les procédés, les bilans, etc.
[accroche historique] Dans la deuxième partie du XXe siècle, durant l’ère de la
consommation de masse et du renouveau du divertissement, une nouvelle
génération d’auteurs va se questionner sur la question du sens de la vie, et en
particulier sur la question du bonheur. [présentation
auteur & mouvement] Georges Perec et les auteurs du Nouveau Roman, à
travers la remise en cause du genre fictionnel et la déconstruction du
personnage de roman, vont émettre une critique d’une conception du bonheur qui
s’établit selon eux dans la société de leur temps. Perec, dans Les Choses,
en 1965, propose la description de la vie monotone et routinière d’un jeune
couple. [présentation extrait] L’extrait soumis
à notre étude constitue la description de leur routine, de ce qu’ils
considèrent comme leur bonheur. [problématique et plan]
On pourra donc se demander dans quelle mesure l’auteur fait la critique de
cette conception du bonheur, routinier et matériel. En premier lieu, nous nous attacherons à la description qui est
faite de cette vision du bonheur, puis
nous analyserons la critique perceptible qu’en fait l’auteur.
[annonce axe principal et 3 sous-parties] Cet extrait apparaît
d’abord comme la description d’un bonheur calme et monotone. (1)
Ce bonheur repose en premier lieu
sur l’image d’un couple uni et anonyme, (2) puis sur la lenteur et la routine. (3) Enfin, il se manifeste par l’accumulation de plaisirs simples et
quotidiens.
[1er argument] D’abord, dans cet extrait, le couple est mis en scène comme l’image même
de l’unité, mais aussi de l’anonymat. Le premier
élément perceptible est la répétition du pronom de la
troisième personne du pluriel « ils ». Cette répétition est à
interpréter à la fois comme l’expression de leur unité, puisqu’aucune de leur action
n’est individuelle, tout est en commun, mais il faut aussi l’interpréter comme
la mise en évidence de leur anonymat : ces personnages n’ont pas
d’identité. Ils existent mais pourraient être n’importe qui. L’anonymat du
couple est encore mis en valeur par le manque de précisions sur le cadre
spatiotemporel. Aucune indication n’est donnée sur le lieu de l’action ni sur
l’époque. Bien au contraire, la répétition du
déterminant indéfini « Certains » renforce l’impression du
lecteur que le récit peut se dérouler à n’importe quelle époque, dans n’importe
quel lieu. [bilan de l’argument] L’anonymat et
l’unité du couple constituent donc
des piliers du bonheur des personnages.
[2e argument] Mais ce bonheur
repose sur un autre aspect qui est la lenteur. Ce bonheur est un bonheur
paisible. Certaines énumérations
d’actions expriment la lenteur du mode de vie des personnages : « ils
hésitaient à se lever de table ; ils finissaient une bouteille de vin,
grignotaient des noix, allumaient des cigarettes » (l.4/5). Cette
énumération montrent que les personnages vivent à un rythme lent, sans échéance
particulière. Le champ lexical du temps est
très développé : « des heures entières » (l.7), « le
temps » (l.9), « sans hâte » (l.11) ; il sert à rappeler le
détachement dont les personnages font preuve à l’égard du temps. Les adverbes utilisés caractérisent eux aussi très
précisément l’image du bonheur qui émane des personnages, comme le prouvent par
exemple « librement » (l.9), « longuement » (l.14) ou
« lentement » (l.17). [bilan de l’argument] Le
bonheur que vivent les personnages est donc
un bonheur paisible, calme. Il leur donne l’illusion de la liberté.
[3e argument] Enfin, cette vie si
idyllique est pour les personnages l’image même du bonheur car elle est
constituée d’une accumulation de plaisirs quotidiens. Cette accumulation se manifeste par la mise en place très
fréquente d’énumérations. La première d’entre
elle, lignes 1 et 2, peut même constituer une gradation ascendante :
« leurs balades et leurs films, leurs grands repas fraternels, leur projet
merveilleux ». La gradation va jusqu’à l’hyperbole avec l’emploi de l’adjectif « merveilleux ».
Ceci exprime la diversité des actions qui peuvent leur procurer du plaisir. En
parallèle, les énumérations d’objets lignes
23/24 et lignes 31/32 rappellent l’idée exprimée dans le titre du roman, Les
Choses. Le bonheur de ces personnages réside dans l’accumulation de choses
(« inépuisable somme » l.27) porteuses de bonheur. [bilan de l’argument] Le bonheur des personnages est donc matériel et repose dans
l’accumulation d’activités, d’objets, de divertissements.
[Bilan de la partie / Transition] Mais cette description d’un
bonheur idyllique en apparence ne doit pas être lue au premier degré. En effet,
elle est porteuse d’une critique sous-jacente.
Nous allons voir à présent que l’auteur exprime dans cet extrait
une critique plus ou moins perceptible. (1) Elle
consiste d’abord en la dégradation
du bonheur décrit ; (2) elle s’appuie ensuite
sur un certain sarcasme, (3) et se
conclut par une expression explicite de cette critique par l’auteur.
Ce bonheur, pourtant décrit dans des termes
parfaitement mélioratifs, n’est pas sans tâche. En effet, l’auteur dégrade
cette description de plusieurs manières. D’abord, l’emploi de la litote ligne 3
« ils n’étaient pas malheureux », rappelle que ce bonheur, avant
d’être une accumulation sans fin de plaisirs, est d’abord une simple absence de
malheurs. Le bonheur des personnages est ensuite décrit comme enfantin. La
scène brossée lignes 19 à 21 fait directement référence à une scène de cours de
récréation, où l’on trouve une « marelle », des enfants qui courent
« à cloche-pied », et qui « hurlent à l’unisson ». Mais en
plus d’être profondément puéril, ce sentiment de bonheur repose essentiellement
sur le ressenti et les sens des personnages. C’est ce champ lexical qui est
employé dans l’énumération de la ligne 18 : « leurs oreilles, leurs
doigts, leur palais ». Le bonheur décrit est donc dégradé, infantilisé et
ne repose que sur la perception subjective des personnages.
De plus, cette description du bonheur laisse
place à l’ironie, voire au sarcasme de l’auteur. Celui-ci se moque en effet de
ses personnages, et on le comprend dès la première ligne grâce à l’antithèse
permettant de décrire les appartements, « encombrés et
sympathiques ». Le sarcasme repose également sur les exagérations du
narrateur qui s’expriment à travers les très nombreuses hyperboles ; la
plus évidente est celle de la ligne 13, « l’expression évidente,
immédiate, d’un bonheur inépuisable ». Le ressenti des personnages est
poussé à l’extrême, jusqu’au ridicule. L’adjectif « formidable »
accolé ligne 34 aux noms « stabilité » et « plénitude »
exprime encore une fois l’exagération de l’auteur dans la description des
sentiments des personnages. L’ironie est également perceptible grâce à
l’emploi, par deux fois (lignes 16 et 35) du mot « synchrone » et
« synchronie ». Le sarcasme tourne ici l’unité du couple en dérision
en l’assimilant à une forme d’aliénation réciproque. Le bonheur des personnages
est donc maintes fois tourné en ridicule par l’ironie et le sarcasme.
Mais l’auteur va plus loin encore en
explicitant sa critique dans les dernières lignes de l’extrait. Il dresse une
critique du bonheur des personnages, qu’ils ressentent comme inné,
« presque viscéral » (l.32). L’expression « le bonheur était en
eux » (l.29) nous indique que les personnages comprennent le bonheur comme
une partie d’eux-mêmes, comme quelque chose de naturelle. La critique de cette
vision est explicitée par la métaphore qui lui est mise en opposition ; en
effet, ligne 44, ce bonheur fragile redevient « une sorte de contrat ».
la métaphore est filée dans les lignes suivantes puisque ce bonheur est ensuite
une chose « qu’ils avaient acheté », « de fragile et de
pitoyable ». Cette métaphore usant de termes péjoratifs constitue donc une
antithèse avec la perception du bonheur par les personnages, qui serait innée,
naturelle, et certainement pas quelque chose d’achetée ou de matérielle. Une autre
antithèse, ligne 42, rappelle la fragilité de ce bonheur ; « pas
grand chose » est mis en opposition avec « tout s’écroule » ;
ce bonheur est donc d’autant plus fragile qu’il peut être détruit en
intégralité par une petite chose. A la fin de l’extrait, l’auteur dresse donc
une critique explicite de ce bonheur routinier, monotone et matériel. Pour l’auteur,
ce bonheur n’en est pas un, car il suppose une forme d’aliénation à ce qui est
matériel, au divertissement de masse.
[conclusion] Ainsi, l’auteur,
après avoir dressé une description détaillée d’une certaine conception du
bonheur, basée sur l’harmonie d’un couple et leurs divertissements quotidiens,
émet une critique assez virulente de cette conception qu’il juge puérile et
matérielle. Comme Diderot l’avait fait dans Regrets sur ma vieille robe de
chambre, Perec parvient, par l’ironie, à faire surgir le non-sens, l’absurdité
d’une certaine conception du bonheur, une conception matérielle basée
uniquement sur le confort.
***
Pour le plaisir, l'intro de Pierre, simple et efficace :
Evoqué pour la première fois dans les colonnes du Monde au milieu des années 60, le mouvement du Nouveau Roman remet en cause les principales normes du roman établies au cours des siècles précédents. Le rôle du narrateur est redéfini par des auteurs tels que Nathalie Sarraute ou Georges Perec. De plus, la notion de personnage évolue, ce dernier perdant peu à peu son identité, résultat d'une description psychologique passée au second plan. Georges Perec, membre de l'OuLiPo, ouvroir de littérature potentiel, décrit dans son roman Les Choses, paru en 1965, la recherche du bonheur d'un jeune couple. L'extrait soumis à notre étude décrit les principaux loisirs du couple citadin. nous serons amenés à nous demander quelle vision du bonheur George Perec propose dans cet extrait. Nous analyserons tout d'abord l'expression d'un bonheur routinier rassurant, puis nous démontrerons que ce bonheur repose sur la consommation.
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