Paru en 1832, Indiana,
le premier roman écrit par George Sand seule (et signé G. Sand), met en scène
une jeune femme, élevée à l’île Bourbon (aujourd’hui la Réunion) et mariée avec
un homme beaucoup plus âgé qu’elle, le Colonel Delmare, mari brutal et
autoritaire qui ne la comprend absolument pas. L’héroïne se résigne car elle
n’a pas le choix, mais garde néanmoins sa dignité : « Indiana était roide et hautaine dans sa
soumission ; elle obéissait toujours en silence ; mais c’était le silence et la
soumission de l’esclave qui s’est fait une vertu de la haine et un mérite de
l’infortune. Sa résignation, c’était la dignité d’un roi qui accepte des fers
et un cachot, plutôt que d’abdiquer sa couronne et de se dépouiller d’un vain
titre » (III, 19).
Cependant, elle tombe
sous le charme de Raymon, jeune homme séducteur et sans envergure, mais garde
cette liaison platonique par respect de son mari. À la suite de revers de
fortune, le colonel veut repartir à l’île Bourbon et contraindre sa femme à le
suivre comme le Code Civil lui en donne le droit. Devant le refus de celle-ci,
il l’enferme dans sa chambre. Cependant, croyant que le jeune homme veut faire
sa vie avec elle, l’héroïne met en jeu son avenir et sa réputation et s’enfuit
par la fenêtre en pleine nuit pour rejoindre Raymon. Mais celui-ci, lassé de
l’amour d’Indiana, la repousse lâchement. Après avoir tenté de se noyer, elle
est sauvée et ramenée par Ralph son cousin (qui l’aime en secret et la protège
depuis l’enfance) et se trouve dans cette scène confrontée à son mari qui l’a
fait chercher toute la matinée...
George Sand avoue dans Histoire de ma vie s’être sentie « humiliée d’être femme »,
humiliée par son statut civique d’éternelle mineure, par sa soumission à la loi
des hommes, par l’absence de reconnaissance de ses talents intellectuels...
Elle s’est librement inspirée de son propre mariage malheureux pour nous
peindre en Indiana une femme-esclave qui se révolte contre son maître, et se
montre également bien supérieure à son amant qui veut l’asservir aussi d’une
autre façon ; comme elle le dit dans la Préface, « Indiana, [...] c’est
un type ; c’est la femme, l’être faible chargé de représenter les passions
comprimées, ou, si vous l’aimez mieux, supprimées par les lois ; c’est la
volonté aux prises avec la nécessité ; c’est l’amour heurtant son front aveugle
à tous les obstacles de la civilisation ». Le combat féministe de George Sand se situera essentiellement sur ce
terrain conjugal : pour elle, l’égalité civique dans le mariage et le
développement de l’éducation féminine sont le préalable aux droits politiques
des femmes.
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